
Un spectacle Hors Normes mis en scène par Catherine Magis.
Partition musicale de Max Vandervorst, luthier sauvage & Patamusicien.
Déclinaisons circassiennes, petites perles & dérapages (in)contrôlés pour 11 artistes handicapés mentaux & 7 artistes complices en Piste.
Avec Complicités, le spectateur est invité à dépasser les frontières qui séparent la norme de l'anormal, l'ordinaire de l'extraordinaire, la différence de l'indifférence, le rêve de la réalité, mais aussi les frontières qui séparent la parole du geste, la piste du public...
Spectacle tout public
Durée : 75 à 90 minutes
Nombre d'artistes en scène : 18
Par Catherine Magis
Metteuse en Scène & Coordinatrice du projet
J'ai toujours été convaincue que la créativité était nécessaire pour exister et pour résister contre ce qui empêchait de vivre. Que l'on se retrouve dans une carrière artistique ou non, il est primordial de pouvoir développer sa propre créativité, en se lançant dans une recherche constante et une remise en question perpétuelle.
Une des fonctions de la création ne serait-elle pas de donner à tous les moyens de s'évader du quotidien et de s'accorder des temps de délires, en creusant des écarts entre le connu et l'inconnu ?
Le développement de la créativité nous permet d'approfondir notre humanité et nous encourage à prendre le recul nécessaire pour pouvoir mieux profiter des choses, voir plus loin que le bout de notre (petit) nez et devenir acteur de notre vie, pour sortir plus aisément des impasses dans lesquelles nous nous réfugions trop souvent.
Je pense qu'il est impossible de respecter les autres, et de se respecter soi-même, si l'on ne peut partager des émotions communes. Il est donc impératif de pouvoir être participatif et non uniquement « consommateur » d'une culture qui nous est si facilement imposée.
Voilà quelques-uns des moteurs qui me font avancer, depuis que j'ai décidé il y a plus de vingt ans de me consacrer à la création circassienne…
Il n'était dès lors pas très surprenant que j'accepte, fin 2007, de relever le défi que proposait Véronique Chapelle, directrice du Créahm-Bruxelles, à savoir, monter une création professionnelle, d'inspiration circassienne, avec des artistes différents.
J'ai d'ailleurs tout de suite pris ça comme un cadeau, une opportunité rare de pouvoir vivre des rencontres artistiques et humaines différentes, hors du commun, sans fioriture.
En janvier 2008, mes premières rencontres avec les artistes du Créahm n'ont fait que confirmer mes impressions : sincérité, spontanéité, humour, retour à l'essentiel, justesse implacable, générosité, capacité
incroyable à vivre le moment présent, poésie, tendresse à revendre…
Il aurait été très égoïste de ne pas partager cette aventure avec d'autres artistes !
C'est donc presque naturellement que j'ai suggéré de travailler sur la rencontre entre des artistes handicapés mentaux et des artistes professionnels.
Si au départ, et un peu par 'déformation professionnelle', je n'imaginais sur le plateau que la présence d'artistes de cirque, les rencontres avec des artistes venus d'autres horizons, comme, entre autres, Jean-Luc Piraux (comédien - Théâtre Pépite), Max Vandervorst (musicien pataphonique & luthier sauvage), Jordi L. Vidal et Maria Clara Villa Lobos (chorégraphes), Miguel Cordoba (magicien), a été tout à fait révélatrice, apportant d'autres perspectives au projet.
L'équipe des « Complices » s'est dessinée, peu à peu, en prenant le temps d'accueillir, ça et là, des artistes de tous bords, qui ont ainsi eu l'occasion de partager quelques moments singuliers avec La « Bande de Fous ».
J'ai aussi souhaité que l'espace d'expression du spectacle reste entièrement libre et spontané !
Je voulais que chaque artiste, même hors norme, trouve sa place, avec ce qu'il est, simplement et justement. J'ai très vite été convaincue que les 11 artistes de La « Bande de Fous » n'auraient aucun mal à s'approprier le spectacle qu'ils allaient créer, en laissant libre cours à leurs imaginaires… de fous !
En confrontant régulièrement leurs univers, leurs pratiques, leurs techniques et leurs modes d'expression à ceux des artistes professionnels, j'ai essayé d'amener les artistes handicapés mentaux à aller plus loin, plus haut, plus juste, plus drôle, plus absurde, plus poétique, plus décalé, plus philosophique, plus… et encore plus.
Même si pas mal de gens perçoivent la création avec des artistes handicapés mentaux comme louable, en lui attribuant une valeur prééminente sur celle du travail accompli, je pense qu'une des forces de« Complicités » repose sur le fait que nous sommes dans la démarche inverse. Les exigences de toute l'équipe, les circassiens, les comédiens, les musiciens, les parrains, les conseillers artistiques (…) sont mises très haut. Que dire alors de celles des artistes de La « Bande de Fous » !
Tout au long des rencontres de travail, nous avons repoussé et transgressé les limites physiques ou formelles de ce genre a-normal, insaisissable ou imparfait, encore et encore, et avons abordé un autre monde, un monde où il faut être en totale réception pour pouvoir accepter ce qui se crée sur le moment même ; leur monde.
Le processus de création fut très long, près de 3 années de travail, aux intensités variables, en fonction des périodes, l'équipe d'encadrement riche de personnalités aux compétences pointues et le rythme de travail, particulièrement lent.
Nous avons effectivement voulu donner à cette création le temps nécessaire à son aboutissement, au juste moment, sans triche !
Je sais enfin que le spectacle restera tributaire de leurs manières de penser du moment, de leurs mémoires,de leurs limites physiques, de leurs états, de leurs humeurs, de leurs caractères et de leurs émotions…
Nous nous y sommes préparés, ensemble, dans un respect mutuel !
Le cirque que nous voulons partager avec le public mélange la technique pure des artistes professionnels aux adaptations et déclinaisons hors normes des techniques, collectives et individuelles, explorées avec les artistes du Créahm.
Tributaire de leur mémoire, de leurs réalités physiques, de leurs humeurs et de leurs émotions, des processus de création particuliers ont été imaginés.
Séance après séance, respectant le rythme de chacun, nous les avons provoqués, pour aller plus loin, plus haut, plus juste, plus drôle, plus absurde, plus poétique, plus décalé, plus philosophique, plus… et toujours plus.
Depuis le début de l'aventure, nous essayons de repousser et de transgresser les limites physiques ou formelles de ce genre (a)normal, insaisissable et imparfait, pour aborder un autre monde, leur monde.
Un monde où il faut être en totale réception pour pouvoir accepter ce qui se crée sur le moment même.
Tout au long du processus, ma responsabilité a consisté à être vigilante à ce que les artistes, handicapés ou non, jouent leur spectacle. Réussir à donner à chaque protagoniste les moyens de s'appuyer sur des comportements narratifs, arriver à mettre en lumière leurs relations dans les espaces, tant spatiaux que temporels, qui se sont imposées au fur et à mesures de nos explorations et de nos rencontres.
Le résultat de ce long cheminement, c'est Complicités, un spectacle qui met en scène une pluralité d'histoires, de personnages et de rêves.
S'appuyant sur des relations complices, les défis sont lancés, les joutes apparaissent, les histoires s'enchevêtrent, de grandes ou petites histoires que
l'on peut saisir au passage, qui se résument parfois
à une simple phrase, un geste, un numéro ou parfois même à rien… et c'est déjà beaucoup !
« On pourrait dire que 'Complicités', c’est l’histoire de...
- Ben non, ce n’est pas possible. On est au moins 11.
- Ça fait beaucoup d’histoires !
- Si on racontait nos rêves ?
- Ben, moi, je voudrais bien raconter que je vais me marier sur un bateau à la mer du Nord avec mon fiancé Philippe…us
- Oh mais, si on fait un spectacle de tour du monde, moi j’aimerais bien aller à l’Olympia et passer chez Drucker…
- Et moi je rêve d’être un prince ou un seigneur, de régner sur le monde et d’être connu partout…
- Dis, tu sais, au fait, j’ai rencontré Johnny, moi !
Oups, si chacun veut sa p’tite exclusivité, on n’est pas sorti de l’auberge.
- Euh, moi, j’en ai une qui nous rassemble tous…
Chouette, vas-y !
- C’est l’histoire d’une caisse carton 'Porte Manteaux'.
- Euh, des Manteaux "qu’on déteste parce qu’il faut partir".
- Quoi ? Partir pour toujours ?
- Peut-être…
- Chaque fois qu’on s’approche de cette caisse, on aura peur, ou bien alors on sera triste ou très fâché, ou bien, on va mourir de rire.
- Oui, mais bon, quoi? Qu’est ce qui va se passer à la fin avec le 'Porte Manteaux de Carton' ?
- Et bien, à la fin, moi, je propose que on reprenne notre manteau et qu’on pense à Muriel* qui 'adore le bonheur' ?
- Et si on soufflait sur son rond de lumière, là sur la p’tite Piste? Peut-être qu’elle va réapparaître ?
[ Bonjouuuuuuuuuuuuuurrrrrr, Magician Damian : 'Apparition-Disparitionnnnn'. Que ton rêve se réalise]
- Et, dis, Muriel, c’est quoi ton rêve ?
- Je rêve de quelqu’un qui me prend dans ses bras et qui me dit : je t’aime…»
* Muriel, notre 'étoile filante', complice des premiers tours de piste